Les prépas scientifiques… Derrière leur image d'élite de la nation, de perfection, de réussite, se cachent de bien sombres histoires. Depuis quelques années, un nouvel élément cristallise les tensions : le sapin de la sup III. Entre vols, chantage, honneur, jalousies, tradition, corruption, dissimulation… Découvrez cette part sombre de l'histoire des scientifiques.
La genèse de la tradition:
Il est de notoriété publique que la sup III réunit les élèves les plus fun des filières scientifiques de Carnot (et je ne dis pas du tout ça parce j'y étais), même si certaines mauvaises langues diraient plutôt les plus déjantés. C'est dans cet esprit que fin 2019, dans la morosité des jours qui raccourcissent à mesure que les fiches de td s’allongent, quelqu'un apporta dans le lycée un sapin de Noël en plastique. Il fut installé dans le quartier général de la classe, la salle 107, sur son pied marqué du sceau MP.
Malheureusement cette époque était encore marquée par des rivalités entre sup et hec. Et il se trouve que la salle 106, repère de hec, qui jouxte la 107, avait été mise à sac quelques temps avant les événements. C'est ainsi qu'un matin, les sup III découvrirent leur salle débarrassée de leur précieux sapin. Des rumeurs circulèrent que celui-ci avait été condamné au bûcher. La tradition était née.
L'année qui suivit, les anciens contèrent l'aventure du sapin à de tous nouveaux supIII émerveillés. Le sapin était une source de joie, et celle-ci fut dérobée. La nouvelle génération refusa cette défaite, et jura de laver l'honneur de ses parrains. Après un contrôle d'informatique, un petit groupe s'en alla au marché de Noël acheter un nouveau sapin, et un authentique cette fois-ci. Il passa le week-end chez un élève chargé de l'infiltrer dans le lycée. À l'entrée un surveillant remarqua le sapin très mal dissimulé dans un sac de sport deux fois trop petit. L'élève lui répondit : « C'est un sapin », alors le surveillant prit un air désespéré puis le laissa entrer.
Le sapin rejoignit la salle et le pied de son prédécesseur, et bientôt de multiples guirlandes, boules, décorations vinrent orner ses branches ainsi que les armoires et les contours du tableau. Les sup III vivaient dans la 107, leur petit monde de Noël privé, et ils en prenaient grand soin. Ceci valut au professeur de mathématiques la surprenante phrase « Monsieur *** ! Rangez votre aspirateur », l'aspirateur ayant été apporté pour les épines sèches et les miettes de croissants.
Malheureusement cette féérie attisa la jalousie hec et même des autres sup. Nombre d’entre eux apprirent alors l'histoire du sapin brûlé, et décidèrent de dérober le nouveau. Mais pas question de le détruire, d'une part parce que les tensions s'étaient calmées, d'autre part parce qu'il servirait de trophée. La tradition se perpétua, un matin le sapin avait disparu.
L'inquiétude montait ; heureusement, l’un des élèves avait quelques relations qui lui permirent de localiser l'objet de convoitises, il avait été placé la veille en salle 26 par les sup II. Des élèves se chargèrent de le récupérer avant que les cours ne commencent. Mais la salle était fermée, une sup III se rendit à la vie scolaire :
« Monsieur, vous pouvez m'ouvrir une salle s'il vous plaît ? J'ai oublié quelque chose hier.
— Tu as oublié quoi ?
— Mon sapin de Noël Monsieur ».
Quelques instants gênants plus tard, le sapin avait retrouvé sa place. Ce fut un grand soulagement pour toute la sup III.
Mais ce qu'elle ne savait pas, c'est que l'histoire ne faisait que commencer.
Fut alors décrétée une surveillance renforcée du sapin. Il fallait le laisser seul le moins souvent possible. Un midi, la 107 était presque vide. Tout le monde était allé manger, à l'exception d'un élève qui avait oublié qu'il passait sa colle de français le soir même et révisait en urgence.
À ce moment, quatre sup II, croyant la salle vide, y entrèrent, avant de faire un pas en arrière quand ils réalisèrent que le sapin était surveillé. Le sup III leur demanda s'ils venaient pour travailler, ce à quoi ils répondirent en bafouillant. Il remarqua leur comportement suspect, mais ne comprit pas ce qu'ils manigançaient. C'est alors qu'il leva les yeux vers le sapin, il comprit, et les voleurs comprirent qu'il avait compris. En un éclair l'un d'eux se rua vers le sapin, tandis que le sup III se précipitait vers la porte. Il n'avait aucune chance de leur tenir tête, mais espérait les retenir le plus longtemps possible avant l'arrivée des renforts. La porte était trop loin, mais il atteint le voleur et s'agrippa à lui de toutes ses forces pour le retenir, ça marchait ! Mais un des complices récupéra le sapin et s'enfuit avec. Une boule fut cassée dans la bataille. Plus tard ce message apparut sur les réseaux sociaux :
Accepter les conditions de l'ennemi ? Jamais ! Des équipes de recherche furent déployées. Une sup III savait que les sup II avaient anglais. Elle fit irruption au milieu du cours :
« Madame ! Ces élèves ont volé notre sapin ! »
Mais le sapin n'était bien sûr pas là, et tous les élèves tinrent leur langue, cela leur avait coûté cher la dernière fois. Toutefois la professeur en question se prit de passion pour l'histoire, et demanda chaque jour des nouvelles.
On retourna tout le lycée, le sapin restait introuvable, les sup III commençaient à désespérer. C’est alors qu’un élève qui avait vécu ici et connaissait bien les bâtiments remarqua qu'on n'avait pas fouillé les greniers. C'était saugrenu, mais c'était la seule piste. En arrivant près des dortoirs, des épines jonchaient le sol. L'espoir revint, et on retrouva le sapin dans un grenier. Il fut rapporté en 107, et la professeur d'anglais fut avertie du succès de l'opération de sauvetage.
Un jour avant le vendredi des vacances de Noël, des hec vinrent rencontrer les sup III. Leur classe faisait un secret santa, et ils voulaient le sapin pour mettre les cadeaux à son pied. Cette proposition fit débat parmi les élèves. Mais un des délégués autorisa le prêt.
On attendit le retour du sapin, mais le soir il n'était toujours pas revenu. On ne sait pas si cela avait été prémédité au moment de l'emprunt, mais la classe de hec avait décidé de perpétuer sa propre tradition. Néanmoins à la cantine, une sup III aperçut un hec qu'elle connaissait, et tenta de lui tirer les vers du nez. Elle obtint un chiffre : la salle 14. Malheureusement toutes les salles étaient fermées, on supplia un surveillant, et celui-ci animé d'un sentiment de justice prit de son temps pour mettre fin à cet enlèvement injuste. Le sapin était bien là, et fut rapporté en 107, avec pour seule séquelle un adjectif disgracieux suivant la mention MP sur son pied. Un élève assura qu'on pourrait poncer la mention ajoutée, mais ceci ne fut jamais fait. La professeur d'anglais fut bien sûr avertie de la situation. Le lendemain soir serait la veille des vacances, le sapin n'avait plus qu'une journée à tenir.
Ce vendredi, alors que les sup III constataient un quatrième vol, les badauds dans la cour purent observer un sapin dans un panier de basket. Il ne s'agissait pas d'un projet d'hypokhâgne sur le surréalisme, mais bien du coup de grâce des voleurs. Le sapin ne fut décroché que le midi, lorsque les sup III quittèrent leurs quartiers pour se rendre à la cantine. Les deux plus grands élèves durent grimper l'un sur l'autre pour atteindre le tronc. Les sup III jurèrent que ce serait la dernière humiliation qu'ils essuieraient, la sapin serait désormais placé sous surveillance maximale. On l'emporta à la cantine le midi et le soir. À la fin de la journée il fut exfiltré du lycée et passa les vacances dans un appartement des environs.
L'année qui suivra, une toute nouvelle génération de sup III viendra prendre la relève. Et en mettant toute leur âme dans cette entreprise, les nouveaux feront la grande fierté de leurs parrains.
08.02.2022 - "Et pourquoi pas ?" - Dédé
Très bon article relatant une tradition importante chez les taupins de Carnot. Je dénonce néanmoins la honteuse prise de position anti-sup2 ainsi que l'omission (volontaire) de notre héroïsme et de notre détermination sans failles 😜.