Prélude
Les pas rapides à l'aube convergent vers la brêche de l’imposante enceinte. A l'entrée, les cerbères attentifs crachent sur nos mains froides leur fiel malodorant, comme un laisser-passer pour l’enfer.
Mais, une fois le contrôle franchi, c’est bien plutôt un Eden qui se révèle à nos yeux encore fatigués de la nuit.
Le givre a recouvert la piste des athlètes d’un voile immaculé. L’herbe grasse et verdoyante contraste avec la triste minéralité de la ville. En face : Phoebus, à son char accroché, annonce sa présence d’un halo orangé.
Pressés, anonymes, d’un même élan, nous nous engouffrons ensemble en notre prison dorée du jour.
Doux réveil
Venir, enthousiaste, entre les murs du lycée. Échanger quelques mots aimables… Entendre, puis écouter, puis entendre, la voix professorale qui alternativement berce ou enseigne. Ouvrir ses yeux, son esprit et son cœur à ce qu’il y a de beau et de touchant dans les poèmes sensibles ou dans le lever du jour. Ce monde qui s’éveille avec moi, de toute part éveille mon âme. Le ciel s’éclaircit, mes idées se font lucides, et me voilà prêt à accueillir toute la fraîcheur du jour.
Et le jour s’est enfui
Depuis la salle où, assis, je dois demeurer, j'assiste impuissant à la mort d’Héméra. Le souvenir de la déesse diurne survit encore grâce au bandeau de lumière qui, sur une blanche aile du lycée, se réduit à mesure que le temps accomplit son œuvre. L’Azur, irrémédiablement, pâlit, et bientôt se changera en voile de tristesse - ou de mystères - étendu sur le monde. Dans un même élan de déclin, la marque du soleil sur la pierre vire à l’or et s’élève, n’illuminant plus désormais que la frise de briques et les sombres ardoises. Dans la salle, mes camarades, le nez en l’air ou dans leurs livres, semblent rester indifférents au drame qui se joue à l’air libre : le cours qu’ils écoutent est le fossoyeur du jour. Et puis, quand tantôt sonnera l’heure attendue de notre liberté, ils sortiront ; surpris de se mouvoir désormais dans l’obscur, peut-être regretteront-ils de n'avoir pas vu le jour progressivement mourir…
O8.02.2022 - "Et pourquoi pas ?" - François BOUYÉ
Comments