Préserver l'environnement, c'est préserver l'avenir. C'est un défi complexe qui demandera des changements dans de nombreux domaines. La science et l'innovation font partie de la solution : toutes les machines qui servent à notre confort – chauffage, transport… – bien que polluantes, le sont beaucoup moins qu'il y a quelques années. Mais les merveilles créées par les ingénieurs et les scientifiques doivent faire face à ce monde complexe régi par le marché, rempli des gens comme nous avec leurs propres moyens et priorités.
Aujourd'hui je rencontre l'entreprise Time for the Planet, qui s'est donné pour mission de réconcilier cet idéal d'innovation avec la réalité du monde. J'ai eu le plaisir de rencontrer Lise-Hélène, qui m'a tout expliqué.
Bonjour Lise-Hélène. Peux-tu te présenter ?
Je m'appelle Lise-Hélène, j'ai 50 ans, et ça fait un an que je suis actionnaire de Time for the Planet, et bénévole active.
Dans quel but a été créée l'entreprise Time For The Planet ?
Les cofondateurs, un groupe d'entrepreneurs lyonnais, se sont rendu compte de l'urgence climatique, et en ont eu assez qu'on ferme les yeux. Et plutôt que de porter la responsabilité sur les autres comme on le fait souvent, ils se sont demandé comment leurs compétences pouvaient être mises au service de l'environnement. Ils se sont dit : “notre spécialité, c'est de monter des entreprises, montons un fonds d'investissement et investissons sur des innovations qu'on pourra ensuite déployer à l'échelle mondiale. Dans le but d'agir massivement contre les gaz à effet de serre.”
Le but était de lever un milliard d'euros pour créer une centaine d'entreprises qui ouvriront des marchés à ces innovations majeures.
Aujourd'hui Time for the Planet est bien en place. Quels sont ses objectifs ?
Nous récoltons progressivement beaucoup d'argent, l'objectif étant un milliard d'euros, pour créer ces entreprises innovantes. La caractéristique majeure est que nous nous appuyons sur une communauté d'associés qui peuvent investir à partir d'un euro, ce qui permet aussi d'être un grand mouvement citoyen. Aujourd'hui presque 32 000 associées nous ont rejoints, en investissant entre un et plusieurs centaines de milliers d'euros. À l'heure actuelle nous avons rassemblé plus de six millions d'euros, ce qui va nous permettre de créer cette année trois premières entreprises, les trois premières étoiles, et ainsi déployer les premières innovations.
À ce sujet, comment déterminez-vous quelles entreprises vous aidez ?
Plus de 4500 évaluateurs de tous les horizons ont été formés, des scientifiques, des ingénieurs, mais aussi des marketeurs, ou même de simples citoyens. Ils scrutent les plus de 600 innovations qui nous ont été envoyées. Nous nous basons sur les rapports du GIEC (Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Évolution du Climat, il a pour mission de synthétiser l'état de l'art quant au climat) pour déterminer les secteurs les plus responsables des émissions de gaz à effet de serre. Nous avons des attentes en termes d'efficacité, nous nous assurons que les solutions proposées auront un impact de l'ordre de plusieurs pourcents sur ces émissions, qu'il n'y aura pas d'externalités négatives. L'avantage est qu'on peut imposer plus de contraintes environnementales que le simple cadre légal.
Après la présélection en interne, un comité scientifique composé de quatorze experts de très haut niveau, chacun dans leur domaine d'expertise, et avec leur propre réseau, va vérifier que l'innovation est valide scientifiquement, faire des vérifications des externalités, et émettre des recommandations.
Les innovations les plus intéressantes sont ensuite étudiées par nos cofondateurs-entrepreneurs. Ils vont rencontrer de vrais clients, pour s'assurer que l'innovation a un marché, et qu'elle saura se déployer. Ils font connaissance des équipes dirigeantes pour les conforter dans le cadre de l'entreprenariat si nécessaire. Car on constate que les meilleurs scientifiques ne sont pas forcément des entrepreneurs dans l'âme, ce sont deux mondes différents.
Sur cette base, Time va proposer un deal avec les innovateurs pour rentrer en capital et avoir un rôle décisionnaire dans la gouvernance des entreprises en question.
Si je comprends bien, une entreprise n'est pas un gouvernement. Elle ne peut pas imposer des contraintes environnementales, donc il important de s'assurer que les entreprises que vous aidez puissent se maintenir, sinon elles seront écrasées par d'autres moins scrupuleuses.
Oui, une jolie innovation que personne n'achète n'est pas utile. Nous cherchons un déploiement massif. Nous cherchons donc des entreprises qui aient à la fois un modèle écologique vertueux, et qui soient aussi rentables, sinon elles ne pourront pas se développer.
Parfois quand on veut que le monde change, on veut réinventer le système actuel. C'est important, mais le monde continue à se dégrader le temps qu'on mette cela en place. La stratégie de Time, c'est de jouer avec le modèle capitaliste actuel pour développer quelque chose de vertueux. Cela permet de gagner du temps. C'est une stratégie très pragmatique.
Comme il est difficile de changer le système, on le tourne à notre avantage, on change les règles du jeu. Par exemple, quelque chose que je trouve très drôle : nous avons l'obligation légale de verser des dividendes à nos actionnaires, ce qui est contre-productif. Mais, grâce à nos avocats, nous avons trouvé une astuce : la distribution des bénéfices peut être conditionnée. Alors il est écrit dans les statuts que Time redistribuera les bénéfices le jour où la température sera revenue à sa valeur à l'ère préindustrielle.
Time for the Planet récolte de l'argent dans un but environnemental. Cependant il s'agit d'une entreprise et non d'une association. Vous récupérez de l'argent en vendant des actions plutôt qu'en demandant des dons. Pourquoi ce choix ?
L'aventure Time for the Planet est une première mondiale, c'est le premier crowdfunding non associatif de cette ampleur. Nous nous distinguons relativement du modèle traditionnel de l'entreprise par différents aspects.
D'abord c'est un fonds d'investissement à but non lucratif, tous ceux qui ont acheté des parts ne toucheront jamais un euro de bénéfice. L'idée c'est de gagner du temps en réinvestissant les bénéfices éventuels des sociétés qu'on va créer, c'est la première spécificité.
La deuxième c'est que les innovations sont choisies par la communauté même des associés de Time. Il y a aujourd'hui plus de 4500 associés qui se sont formés pour être évaluateurs, on utilise massivement l'intelligence collective pour le choix des innovations.
La troisième caractéristique innovante, c'est que plutôt que de garder les brevets jalousement, les innovations seront délivrées en licence libre – semblable à de l'open source – à toutes les entreprises qui voudront les déployer à l'échelle mondiale, de sorte que rien n'entrave la mise en place des solutions proposées.
C'est vraiment une entreprise à mission au sens propre du terme. Chez Time nous voyons l'argent comme un moyen, non comme une fin. Nous ne voulons pas reproduire ce qu'on nous a vendu à notre perte, le toujours plus de bénéfices. Nous prenons le véhicule qui fonctionne de l'entreprenariat, on enlève les effets secondaires négatifs, et on rajoute des éléments moteurs. C'est un véhicule hybride, une chimère au sens mythologique du terme : il y a un bout d'entreprise, il y a un bout de mouvement citoyen, d'innovation, d'entreprenariat, et ce schéma est vraiment unique.
D'habitude on oppose souvent environnement et entrepreneuriat. Ne craignez-vous pas que cela crée une méfiance ?
Nous essayons de créer quelque chose d'inédit, nous bricolons le véhicule qui nous conduira à nos objectifs. Et Time se veut d'une très grande transparence. Le site est riche en documents, le groupe est très ouvert, il y a des questions-réponses avec les cofondateurs tous les jeudis. Les gens qui se questionnent sont invités à en discuter ensemble. C'est notre transparence qui assoit notre crédibilité. On peut tout à fait rester sceptique, nous accueillons tout le monde. On comprend que certaines personnes attendent des résultats majeurs avant de s'engager, quand d'autres prennent le risque face à l'urgence climatique. Nous sommes prêts à accueillir tous ceux qui veulent investir un peu de leur argent ou de leur temps dans cette entreprise qui a un sens profond. Car un monde à +3°C c'est pas du tout le monde actuel.
Comment une personne convaincue par Time peut-elle vous aider ?
Notre communauté, la Galaxie de l'action, est très active. Elle est organisée pour favoriser les échanges, car nous pensons que ce sont les communautés vivantes qui agissent. Nous suggérons à ceux qui veulent devenir actifs de passer une demi-heure en formation pour voir comment ils peuvent aider. Puis au sein de la communauté, chacun est invité à proposer des choses et à les réaliser pour augmenter la notoriété de Time. Par exemple, un de nos associés va faire de la course au large, et organise des événements partout où il va. Un autre a fait un tour de France en vélo.
Il y a aussi toutes sortes de métiers : les scientifiques qui évaluent les innovations, les marketeurs et designers qui font connaître le mouvement. Moi j'aide à corriger les fautes dans les énormes dossiers. Nous avons besoin de tout, chacun donne ce qu'il peut.
Moi je fais partie des « vieux » de la communauté, et ce qui est super, c'est de voir que par-delà nos différences, quels que soient notre âge, notre profession, notre lieu d'appartenance, nos convictions politiques, l'argent qu'on a, chez Time on est tous les bienvenus, et on est tous utiles. On est en train de créer quelque chose de très sérieux, mais dans la joie et la bonne humeur. Et cela me touche beaucoup.
C'est un peu la même ambiance que le Cényl Tocare en fait.
Pour finir, les associés ont reçu un message important il y a quelques semaines. Le 20 décembre Time dévoilera les premières entreprises qui seront créées, les premières étoiles. L'émission sera diffusée en direct sur la chaîne Youtube et sur le LinkedIn de Time. Puis disponible en rediffusion sur Youtube. Les impatients peuvent d'ailleurs regarder les précédentes émissions.
En résumé, Time for the Planet est une aventure unique, motivée par la lutte contre les gaz à effet de serre. L'entreprise a pour but de mettre en place des solutions concrètes, dans un système encore trop peu tourné vers l'environnement. C'est une vision optimiste du monde, où le « nan mais surtout c'est de la faute de » est remplacé par le « donnons notre maximum pour aider ». La communauté est très investie et ne cesse de grandir chaque jour. Alors faites passer le message, et rejoignez l'aventure !
Arthur OUTREY - 15 décembre 2021
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