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Recréation du monde

Dernière mise à jour : 9 juin 2022




Le monde, ce très vaste ensemble qui peut tout englober, cette totalité qui nous surplombe, déploie au-dessus de nos têtes un immense ciel qui se change en nuit étoilée. Si ce monde est ce qui semble former une totalité, ce qui a pu être unifié par une volonté divine au cours d’un processus de création, il n’est pourtant pas un monde qui semble avoir été créé pour rester tel quel. En effet, le but même de ce monde est de pouvoir être habité, de pouvoir abriter la vie et lui offrir un cadre pour matérialiser son existence. Il nous offre de quoi rendre notre existence concrète. L’homme se voit doté d’un très beau présent, celui qu’est le monde vivant, et si le paysage demeure intact et survit à l’épreuve du temps, l’homme, lui, traverse la réalité comme un trait de feu, avant de rejoindre un autre monde.


Supposons maintenant une totale recréation du monde, un monde qui ne serait plus un présent, quelque chose de non modifiable, mais qui offrirait des éléments pour pouvoir écrire sa propre histoire , pour permettre à l'homme de dessiner son histoire à travers le passage du temps, afin d’y survivre. Ici, le monde serait un monde forgé par l’envie de répondre aux attentes d’une époque précise, et, si pouvant être envisagé comme totalité, ce serait une totalité au service d’une pluralité d’existences humaines. On peut définir la pluralité humaine au regard de la définition qu'en propose Hannah Arendt dans la Condition de l’homme moderne, à savoir qu’à partir du moment où une nouvelle naissance survient dans le monde, cela modifie le cours de l’existence humaine en apportant de la nouveauté à chaque fois. En ce sens, nous devenons de véritables artistes, puisque devant auteurs et créateurs d'une existence singulière, des êtres d'émotions en quête d'une définition authentique et personnelle de la vie humaine.

Auguste Berque, géographe, qui au cours d’une interview pour le magazine Philosophie Magazine confie être devenu philosophe « par accident », offre des éléments d’analyse intéressants qui permettent de rendre compte de cette capacité qu’a l’homme d'avoir une « mainmise » sur le monde, de pouvoir le transformer à sa guise. Il se pose alors la question de la manière d'habiter une terre, mais montre aussi que dans le cadre de l’occident, c’est aussi ce qui peut précipiter notre catabase. Il dit notamment : « La grandeur et la condamnation de l’occident, c’est d’avoir été la première culture à prétendre s’abstraire de la terre ». Comment transformer alors notre monde, lui permettre de répondre à nos exigences, aux exigences des générations futures notamment ? Le monde serait-il en perpétuelle recréation ? Une recréation en chasserait-elle une autre, ou en nécessiterait-elle une autre ? Notre capacité de transformation ne serait-elle qu’une illusion au regard de l’obsolescence et de l’irrémédiable destinée humaine auxquelles nous sommes soumis? Thomas More, pour proposer une nouvelle image de ce que serait une Angleterre gouvernée différemment, a déjà eu d'une certaine manière cette idée de recréation du monde, en créant un lieu de félicité, hors du temps et de l’espace, un u-topos, un lieu qui n’a pas de localisation précise. Mais l’évolution du temps et des moyens a pu montrer qu’une recréation du monde n’était pas seulement une construction de l’esprit, mais un moyen d’adapter ce qui peut ne pas dépendre de nous, et d’en faire, lorsque l’on peut le modifier pour répondre à des exigences particulières, le lieu de collaboration par excellence, de faire du monde un allié de l’homme le temps d’une traversée, le temps d’un voyage. Les progrès techniques ont pu notamment permettre aux hommes d’appréhender leur réalité, de pouvoir transformer les éléments naturels, de les connaître, afin de plus être soumis à leur cours, mais de pouvoir le maîtriser. On peut penser à Léonard de Vinci, qui, ayant des connaissances précises en anatomie et en mécanique, a pu créer des machines capables de se mouvoir dans l’air. Serions-nous donc les héritiers d’un monde qui a déjà été compris pour nous, ou sommes-nous justement et précisément les traducteurs d’un monde, les peintres d’un monde qui voit le jour dans les esprits humains, mais qui à l’instar d’un texte que nous composerions d’abord dans l'esprit avant de le coucher sur papier, voit aussi le jour de manière physique. Le monde serait donc quelque chose que nous esthétiserions, la peinture de notre vie…


Recréer un monde est possible, un monde qui évolue comme évolue notre humanité et nos exigences, les mentalités. Hans Jonas, dans Le Principe responsabilité, reformule l’impératif catégorique kantien pour en proposer une nouvelle version qui tient compte des générations futures, qui parle pour des générations qui ne sont pas encore nées : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur Terre ». Dans cette nouvelle formulation, on voit que l’homme agit pour les autres aussi, non pas seulement pour la survie de sa propre génération, mais pour la préservation des autres. Tenir compte des générations futures permet de transformer l'entreprise de récréation du monde en réalité. On peut décider de recréer un monde pour améliorer un monde dans lequel nous vivrions, mais qui ne permettrait pas d’inclure d’autres générations. Un monde écologique, un monde dans lequel l’égalité prévaudrait face à la suprématie d’un sexe. Et toi, enchanterais-tu un nouveau monde, te ferais-tu l’artiste de la recréation d’un monde ? Que souhaites-tu laisser à la postérité ?


Nox Temporum



Toutes les abeilles

Un essaim du monde plein

Épuisé bientôt


La lenteur du pas

Contrepied à l’effréné

Biodiversité


Réenchantement

De l’ensemble du vivant

Beauté de l’infime


L’immonde aujourd’hui

Menace demain le monde

D’un vermeil déclin



Poussière d’espoir

Insuffler une ère nue

Recréer un monde


Zéphyr

15 décembre 2021


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